Le faux dilemme de Merkel sur la Grèce

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La chancelière allemande Angela Merkel est le sujet de toutes les attentions en ce moment à Bruxelles. Elle fait face à un dilemme : Doit-elle laisser la Grèce sortir de la Zone Euro (Grexit) ou se montrer flexible face aux revendications du premier ministre Grec Tsipras ? Pour le moment, elle semble ne pas encore avoir fait son choix publiquement. D’un côté, elle déclare qu’elle ne veut pas d’un Grexit et de l’autre elle ne veut pas aborder le sujet de la dette Grecque avec Tsipras (qui lui ne demande que ça). La chancelière Merkel jouerait-elle un double jeu ?


Les Allemands favorables à un Grexit



D’après de nombreux sondages, plus de 50% des Allemands seraient favorables à un Grexit. Un des journaux les plus populaire en Allemagne à même titré mardi dernier « Nous avons besoin de la chancelière d’acier » en montant la Chancelière Angela Merkel avec un casque et une pointe d’acier. 

Cette montée en puissance du ras le bol face à la Grèce vient du fait que les Allemands ont en marre de payer pour les Grecs et pour le reste de l’Europe en règle générale. Pourquoi devraient-ils payer alors que la plupart des contribuables Grecs pratiquent la fraude fiscale. En tête d’affiche de cette contestation grandissante, on trouve le premier ministre Allemand Wolfgang Schäuble. 

Le dernier référendum Grec a renforcé l’opinion dans ce sens. Le « non » des Grecs a été interprété comme un non à l’Europe alors qu’il s’agit d’un simple non au plan de sauvetage proposé par l’UE. En Europe, seul l’Allemagne a véritablement vécu comme un camouflet le non Grec. Les autres pays comme la France ou l’Italie (pays qui cherchent à maintenir le dialogue avec la Grèce et sont opposés au Grexit) ont été beaucoup moins choqués par la réponse des Grecs au référendum. La presse Allemande a elle titré le lendemain : « Oh, nein ! », du genre les Grecs ont osé dire non…. 


Une marge de manœuvre quasi nulle pour Merkel



En 2011 et 2012, la dette de la Grèce a été restructurée. Les Allemands ne voulaient déjà pas de ce nouveau cadeau offert à la Grèce mais avec la popularité de la chancelière Merkel à cette époque, elle a su convaincre l’opinion publique qu’il fallait le faire. Elle a dit explicitement que les contribuables Allemands n’auraient pas à débourser un centime de plus pour la Grèce, que l’emprunt serait remboursé intégralement par la Grèce. 

Seulement, voila, aujourd’hui, la Grèce n’est pas capable de tenir ses engagements financiers. Les raisons qui ont conduit à cet échec, le fait que l’Europe est demandé au Grecs d’appliquer un programme d’austérité trop contraignant mais aussi à cause du gouvernement Grec qui n’a pas mené toutes les réformes structurelles demandées. Tord partagé dirons nous… il n’y a pas ni bon ni méchant dans l’histoire.

Les Allemands savent déjà qu’ils devront payer la note et supporter le défaut de paiement de la Grèce (que ce soit par un Grexit ou par une renégociation de la dette). Pour les Allemands, Merkel n’a donc pas tenu sa promesse qui consistait à dire que les Allemands ne devraient plus rien payer. La côte de popularité de Merkel a fortement chuté ces derniers temps, elle qui était déjà affaibli dans l’opinion par le scandale des écoutes de la NSA.

Angela Merkel ne peut donc plus se permettre d’accorder un cadeau à la Grèce. Même dans sa majorité, les soutiens se font de plus en plus rares. Si elle cède face aux exigences de Tspiras, elle risquerait fort de perdre les prochaines élections…. 

Et céder face à Tsipras, c’est prendre le risque de voir l’extrême gauche prendre le pouvoir dans d’autres pays et demander également une renégociation de leur dette….


Pourquoi Merkel ne veut pas d’un Grexit ?



Si Merkel pousse la Grèce vers un Grexit, cela serait donné raison à ses opposants qui en 2011/2012 ne souhaitaient pas prêter de l’argent à la Grèce. Toutefois, cette décision irait dans le sens de l’opinion publique et la cote de popularité de Merkel pourrait remonter progressivement. Les Allemands retrouveraient alors la « chancelière d’acier ».

Actuellement, il n’y a que la chancelière qui bloque les négociations avec Tsipras en refusant d’aborder le sujet de la Grèce. Elle s’est senti vexé lorsque Tsipras a quitté la table des négociations avant le référendum, c’est pour elle un manque de respect au vu des efforts consentis précédemment pour sauver la Grèce. Angela Merkel s’est braqué et refuse désormais toute négociation ou presque.

En revanche, la France et l’Italie vont eux dans le sens d’un compromis avec la Grèce. On le voit aujourd’hui, la France essaye de rédiger en ce moment une nouvelle proposition de plan d’aide avec le gouvernement de Tsipras.

Résultat, si un Grexit se fait, Merkel sera tenu pour grande responsable. Et ca, la chancelière ne le veut pas. Pour le comprendre, il faut regarder dans le passé. Elle est l'héritière en politique d'Helmut Kohl, l'homme qui restera dans l'Histoire comme le symbole du couple franco-allemand, moteur de l'Europe. De plus, le passé d’Hitler qui a annexé la Grèce pendant la guerre refait surface. Les Grecs la comparent d’ailleurs à Hitler. Et croyez moi, les Allemands sont très sensibles sur le sujet. Ils se sentent honteux d’avoir mis un homme comme lui au pouvoir… Angela Merkel refuse d’être vu comme la méchante dame de fer….


Que veut vraiment Angela Merkel ?



Elle ne peut ni montrer sa volonté de soutenir la solution d’un Grexit (elle ne veut pas être tenu responsable en cas d’éclatement de la Zone Euro) mais elle ne peut pas non plus céder aux exigences de Tsipras (ce qui la condamnerait politiquement auprès des Allemands). On pourrait donc croire qu’elle fait fasse à un dilemme. Mais une autre possibilité lui permettrait de limiter les dégâts. C’est de rendre Tsipras responsable d’un Grexit.

En réalité, Merkel est favorable à un Grexit mais elle ne peut pas le dire. Elle a d’ailleurs déclaré dernièrement : "La Grèce fait partie de l'euro. C'est maintenant à la Grèce et à son gouvernement de faire en sorte que cela reste le cas." ce qui sous entend, si un Grexit se fait, Tsipras sera le seul responsable.

Si un Grexit se fait, l’opinion Allemande sera contente de la fermeté dont à fait preuve Angela Merkel, et l’histoire ne se souviendra pas d’elle comme de la Chancelière qui a fait éclaté la Zone Euro. Un Grexit ne serait pas forcément si catastrophique que ça pour la Zone Euro (on voit d’ailleurs que les marchés financiers n’ont pas cédé à la panique…..) si les dirigeants Européens saisissent cette occasion pour renforcer leur cohésion économique et politique. Merkel et consort devront envoyer un message fort et rapide en cas de Grexit pour donner rapidement aux marchés la nouvelle ligne de conduite de la Zone Euro. Beaucoup d’Allemands sont d’ailleurs favorable à une union politique et monétaire limitée…

Une dernière chose peut contrecarrer les plans d’Angela Merkel, c’est que Tsipras accepte les réformes structurelles demandées par Merkel. A mon sens, Tsipras a d’ailleurs intérêt à le faire pour le bien de son peuple. Si le pays n’est pas réformé en profondeur, on voit mal comment la Grèce pourrait s’en sortir dans les années à venir. Malheureusement, cela serait demander d’énormes sacrifices au peuple Grec qui en a déjà consenti beaucoup.Mais, Tsipras s’est montré ferme et n’a pas l’air de vouloir faire ces réformes… De plus, il a été élu justement sur la promesse qu’il ne céderait pas face à l’UE.

Comme je le disais dans un article il y a plusieurs semaines, le Grexit semble inévitable ! Il est écrit depuis un bon moment dans la pierre. Cela permettrait à la fois à Merkel et a Tsipras de garder une légitimé au pouvoir dans leur pays. Quand à savoir si c’est la meilleure solution pour la Grèce et pour l’UE, c’est une autre histoire. L’avenir nous le dira….

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