Les GAFA ont pris le pouvoir!

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Les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) sont en train de connaître un tournant majeur dans leur histoire, ils vont être élevés officiellement au rang de puissance diplomatique. Le Danemark va prochainement nommer un ambassadeur auprès des GAFA. Cela peut paraître anodin étant donné l'importance de ces géants du web dans notre vie quotidienne, mais c'est une véritable révolution qui s'annonce. Voyons pourquoi.

Les GAFA plus fort que la loi



Le Ministre des affaires étrangères du Danemark, Mr Samuelsen a déclaré il y a peu : " Dans le futur, nos relations bilatérales avec Google seront aussi importantes que celles que nous avons avec la Grèce". Cette phrase est lourde de sens. Elle résume l'importance prise par les Gafa ces dernières années au plan politique. Rappelons que la Grèce est le pays qui a fait trembler l'Europe et a failli conduire à son éclatement. Tout comme la Grèce au moment de la renégociation de sa dette, il est très difficile de dire non au GAFA sous peine de mettre en péril son économie.

L'exemple le plus frappant est le cas de l'Irlande. Les plus grandes multinationales y ont installé leur sièges européens du fait d'une fiscalité très avantageuse. Le taux d'IS y est de 12.5%, bien inférieur à l'ensemble des autres pays européens. C'est pour cette raison qu'Apple y a installé son siège social Européen. Google et Facebook sont également installés en Irlande alors qu'Amazon est domicilié au Luxembourg.

Pour éviter d'être imposé sur leurs bénéfices réalisés en Europe, les GAFA rapatrient leurs bénéfices vers des paradis fiscaux via des montages complexes. Pour simplifier, la société mère domiciliée en Irlande facture d'importantes prestations (conseil, gestion...) à ses filiales européennes (en France, en Allemagne...). Ainsi, tous les bénéfices (une grande partie) réalisés dans les pays ayant un fort taux d'IS sont rapatriés en Irlande (ou un autre pays) ou le taux d'IS est très faible.

Prenons le cas d'Apple. Dans les faits, l'imposition d'Apple est en réalité de moins de 1% du fait d'une convention fiscale spécifique validé par Dublin. En contrepartie, Apple s'est engagé à poursuivre ses recrutements dans le pays.

Fin 2016, Apple s'est vu infligé une amende record de 13 milliards de Dollars par la Commission Européenne pour entente fiscale non autorisé avec l'Irlande. 13 milliards cela représente près de 25% du budget annuel du pays, 5% de son PIB. Dublin a fait immédiatement appel de la décision en précisant que cette amende nuit aux intérêts du pays. En effet, tout le modèle économique Irlandais est basé sur le dumping social. Si Apple s'en va, c'est l'économie Irlandaise toute entière qui s'effondre. Apple, c'est plus de 5000 emplois en Irlande et si on comptabilise l'ensemble des sièges européens de multinationales installés dans le pays, on arrive à un chiffre de 170 000 emplois, soit 10% de la population active du pays.

L'Irlande est donc pris au piège par les GAFA, elle ne peut maintenant qu'accepter de se plier aux conditions de ces géants du web. L'Irlande n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Tous les autres pays Européens se plient aux exigences des GAFA, y compris la France.

Les GAFA : un lobbying très puissant



Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, tous exercent un lobbying très puissant auprès de l'Union Européenne. Entre 2015 et 2016, les GAFA ont eu près de 300 rencontres avec des commissaires européens, leurs cabinets ou le directeur de la Commission Européenne. Google et Microsoft ont les budgets les plus importants et consacrent chacun près de 4.5 millions d'euros chaque année en lobbying. Ce sont les plus actifs dans le milieu du lobbying parmi les GAFA. Cela représente pas moins de 8 temps plein dédié à cette activité pour chaque entreprise. Pour l'ensemble des GAFA, on arrive à près de 20 personnes. Voici un graphique montrant les rencontres des GAFA avec l'Union Européenne :

lobbying gafa
Source : https://github.com/

On peut voir que ces rencontres concernent tous les secteurs d'activités et pas seulement le numérique. Le lobbying des GAFA est également très présent dans le domaine de la Justice et de l'éducation.

Le lobbying est exercée avec de gros moyens partout ou les GAFA y ont un intérêt. L'impact de ce lobbying est bien réel, il leur permet par exemple de retarder des procédures judiciaires, d'obtenir de bon articles dans la presse (création d'un fond d'aides à la presse), d'être privilégiés pour accéder à certains marchés (Google a fournit à l'éducation nationale des tablettes pour l'ensemble des enseignants de l'éducation nationale)...

La sénatrice Morin-Desailly, spécialiste du numérique déclare : "Dès que j'ai entamé des travaux sur des sujets qui les concernent, leurs demandes de rendez vous pour me convaincre de ceci ou me dissuader de cela sont devenues très régulières".

Avec le statut de puissance diplomatique, leur lobbying n'aura plus de limites. On ne parlera plus de lobbying sur des acteurs publics mais sur des pairs. Les ressources financières des Gafa pourraient être utilisées pour corrompre des ministres des affaires étrangères sans que cela tombe sans le coup du droit commercial. Avec une reconnaissance diplomatique, les GAFA ce n'est pas l'équivalent de la Grèce mais du Qatar. Une puissance à qui on accorde tous les droits pour pouvoir profiter un peu de sa puissance financière.

Le cash : une arme de guerre



Tous les GAFA disposent d'une montagne de cash en réserve accumulée grâce à leurs activités économiques fleurissantes mais également du fait d'une imposition quasi nulle sur leurs bénéfices. Nous l'avons vu, ce cash est utilisé pour exercer un lobbying puissant sur l'Union Européenne mais pas que. Outre le matelas de sécurité que cela confère au GAFA en cas de coup dur, cela leur permet surtout de contrôler leurs ennemis de plusieurs façons :

- Absorber la concurrence : Les GAFA multiplient les acquisitions dans le numérique. Ils déboursent des milliards de dollars pour racheter des concurrents potentiels et ainsi tuer la concurrence dans l'œuf sur tous leurs secteurs d'activités. Un des exemples les plus marquants est le rachat de Whatsapp par Facebook pour un montant de 21.9 milliards de dollars. Qui peut résister à de telles offres ? Pas grand monde et seuls quelques rares spécimens arrivent à passer à travers les mails des filets tendus par les GAFA. Le dernier exemple en date vient de Snapchat. Facebook et Google ont proposé respectivement 3 et 4 milliards de Dollars pour racheter le réseau social en 2013 (alors qu'il n'était alors qu'un petit poucet en pleine croissance) mais l'offre a été refusé. Aujourd'hui, Snapchat est un concurrent direct très sérieux pour Facebook et Google, et encore plus après son introduction en bourse réussi. (cf Faut-il investir dans snapchat ?)

- Embauches stratégiques : Pour attirer les meilleurs cerveaux dans leur domaine de compétence, les GAFA sont prêt à proposer des salaires bien au delà ce que peut proposer la concurrence. Peu de gens résistent aux sirènes de l'argent d'autant que les différents projet d'investissements sont dotés de financement important. C'est donc un véritable challenge qui est proposé à ces salariés de haut vol.

Mais au niveau des embauches, les GAFA ne s'arrêtent pas au domaine de compétence. Ils prennent en compte le réseau et mais aussi le poste actuellement occupé par le salarié. Depuis plusieurs années, Google attire par exemple dans ses filets des talents de la sphère publique. La dernière prise en date, Benoit Loutrel qui n'est autre que l'ancien directeur général de l'Arcep, organisme chargé de la surveillance des télécoms. Ce poste stratégique permettait à Mr Loutrel d'avoir accès à des informations confidentielles, notamment sur les concurrents de Google.

Le plus préoccupant dans tout ça, c'est que ces recrutements ne soient pas interdits par la loi. L'Etat a la capacité de les interdire mais il préfère fermer les yeux pour ne pas froisser les GAFA.

La communication au cœur de leur stratégie



Pour arriver au pouvoir et surtout y rester, il est très important de manier habillement les rouages de la communication. Pour séduire les pouvoirs publics, la recette est simple. Il faut faire miroiter la création d'emplois. La lutte contre le chômage est l'une des principales préoccupations de l'Europe. C'est ce qui permet aux politiques de se faire élire ou réélire et ça les GAFA l'ont bien compris.

C'est ce qui a permis a Amazon d'obtenir 2.5 millions d'euros d'aides publiques pour la construction de son dernier centre près d'Amien. 2.5 millions d'aides pour 500 CDI... On peut également citer Facebook et son centre de recherche sur l'intelligence artificielle implanté à Paris. En réalité, il s'agit d'un simple labo de 15 personnes mais cela a ouvert des droits au crédit d'impôt recherche. Une belle méthode pour payer moins d'impôts quand on n'en paye déjà presque pas. Peu importe la note, c'est du pain béni pour les politiques qui se vantent d'avoir réussir à attirer chez eux le géant du Web.

En 2014, Facebook a ainsi commandé une étude au cabinet Deloitte qui démontre que 78 000 emplois ont été générés indirectement par le réseau social. Google et les autres GAFAS ne cessent de répéter que la croissance de leurs activités permettraient de générer des milliers d'emplois en Europe. 

Une stratégie bien huilée



La stratégie des GAFA avec les différents gouvernements est simple, ils résistent le plus longtemps possible aux autorités locales jusqu'à une sanction de leur part. Une dégradation trop importante de leur image auprès du grand public est également un facteur qui les pousse à faire un geste. Et oui, il ne faut pas se faire détester de ces clients.

Cette stratégie est adoptée par toutes les grandes multinationales. C'est le cas pour Uber et AirBnB également. Par exemple, AirBnB a attendu d'être sanctionné par la ville de Paris avant de rendre obligatoire pour ses clients le prélèvement de 1 euro pour le compte des offices de tourisme que payent les hôteliers depuis des décennies. AirBnB a accordé des concessions bien plus importantes aux Etats Unis depuis bien longtemps !

Ces géants du Web appliquent une politique commerciale différente selon les pays. Tant qu'ils ne sont pas obligés de se conformer à la loi, ils profitent au maximum du laxisme des Etats, marché par marché. Cela leur permet d'engendrer de plus gros bénéfices et de continuer à exercer un lobbying intensif.

Les choses ne sont pas prêt de changer, surtout en Europe qui n'a pas de politique commune. Comme le dit si bien le DG de Google "A chacun ses devoirs, ce sont les gouvernements qui font les lois". 

Toutefois, la Commission Européenne s'intéresse de plus en plus à l'optimisation fiscale opérée par les GAFA. Apple a déjà été condamné et d'autres pourraient suivre. Le montant des amendes risque d'être de plus en plus important (l'amende fiscale de 13 milliards d'Apple est sans précédent). Mais avec le lobbying des Gafa, les enquêtes prennent de nombreuses années et même en cas de condamnation, le jeu en vaut encore la chandelle avec la montagne de cash amassée ces dernières années.

Les GAFA ont bien pris le pouvoir!

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